Mon corps est ton bois

Mon corps est ton bois____________

La vénération des arbres (ou dendrolâtrie) est une pratique commune à de nombreuses cultures et religions à travers le monde. En Europe, une partie de ces croyances animistes païennes a été christianisée. L’arbre à loques de saint Claude, situé à 50 km à l’ouest d’Amiens, au bord de la route reliant Senarpont à Neuville-Coppegueule, fait toujours l’objet d’une dévotion vivace. D’après la croyance populaire locale, ces arbres à loques sont capables de soigner les personnes atteintes de maladies, en particulier liées à la peau, à condition de venir nouer autour des branches ou du tronc un vêtement préalablement porté par le malade pendant neuf jours.

S’inspirant des arbres à loques de Senarpont, cette sculpture propose une hybridation entre corps humain et règne végétal. Les trois panneaux peuvent être vus comme trois corps reliés par un tronc commun. Les vêtements noués et laissés sur place finissent par s’imbriquer avec la végétation qui prolifère. Celle-ci s’introduit dans les fibres qui tendent à se transformer en bois. Le treillis des feuilles s’entremêle avec les noeuds des tissus. Un bras humain attaché à l’un des troncs évoque l’ancien rituel du « liage des fièvres », une pratique qui consiste à s’attacher à un arbre pour lui transférer sa fièvre. Le motif gravé sur les marges fait allusion au glitch, un accident numérique qui entraîne la déformation d’une image, causée par une erreur contenue dans son code. L’oeuvre relie ainsi un ancien rituel de guérison avec les défaillances du monde virtuel présent.

Mon corps est ton bois, 2024
encres lithographiques et encres à dessin, contreplaqué de bouleau et bois récupérés d’essences divers gravés et peints ‧ 223 x 127 x 110 cm

Photos © Alice Sidoli / Musée de Picardie, 2024

Je suis là

Mon corps est ton bois

Tes feuilles sont mes doigts

Mes racines sont tes jambes

Ton âme est dans ma sève

Mon souffle est le crépitement de tes branches

Tu m’as donné ce cadeau empoisonné

Je n’y peux rien

Et chaque jour

Je le mâche, je le travaille, je le transforme

Jusqu’à ce qu’il devienne

Un jour

Entièrement

Moi